Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/256

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ciel, cette lumière, cette position du soleil agissent sur elle. Si je supprime tout cela dans mon dessin, il me paraîtra peut-être insignifiant, sans force ; le charme propre manque. Et ceci encore : Rien ne peut être beau sans être motivé avec vérité et conformément aux lois naturelles. Pour que la nature paraisse vraie dans un tableau, il faut que toutes les causes agissantes soient reproduites. Je trouve près d’un ruisseau des pierres régulières dont les parties exposées à l’air sont couvertes d’une verdure pittoresque de mousse. Ce n’est pas seulement l’humidité de l’eau qui a amené ces mousses ; c’est peut-être une pente placée au nord, ou bien l’ombre des arbres, ou un buisson qui, à cet endroit du ruisseau, a produit cette formation. Si dans mon tableau je néglige et laisse de côté ces causes agissantes, il sera sans vérité et n’aura pas de force persuasive. La place d’un arbre, la nature du terrain dans lequel il croît, les autres arbres qui sont derrière et à côté ont une grande influence sur son développement. Un chêne placé sur le sommet occidental d’une colline rocheuse, exposée au vent, prendra une tout autre forme qu’un chêne qui verdit dans le sol humide d’une vallée abritée. Tous deux, dans leur genre, peuvent avoir leur beauté, mais elle aura un caractère différent ; et dans un paysage composé, ils ne peuvent être placés que là où ils étaient placés dans la nature. Il est donc très-important pour l’artiste d’indiquer, en dessinant les objets environnants, quelle était cette place naturelle. Il est bien entendu qu’il serait absurde de vouloir dessiner aussi tous les détails prosaïques qui ont aussi peu d’influence sur la forme et le développement de l’objet principal que sur son aspect pittoresque momentané. J’ai fait part à Preller des principales de ces petites indi-