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en est tendre. » Je vis alors qu’il y avait chênes et chênes, et j’appris beaucoup de détails sur la nature différente du même bois, suivant son exposition ; je vis que les fibres des arbres se dirigent toujours vers le soleil, et que si un arbre est exposé d’un côté au soleil, de l’autre à l’ombre, le centre des fibres n’est plus le centre de l’arbre ; le côté le plus large est du côté du soleil, aussi les menuisiers et les charrons, s’ils ont besoin d’un bois fin et fort, choisissent plutôt le côté qui a été exposé au nord. »

« — Vous devez penser, me dit Goethe, combien vos observations sont intéressantes pour moi qui me suis occupé pendant la moitié de mon existence du développement des plantes et des arbres. Racontez toujours ! Vous avez donc choisi un chêne tendre ? »

« — Oui, et un morceau du côté opposé au soleil. Mais après quelques mois, mon arc se déformait. Je fus donc obligé de recourir à d’autres bois, au noyer d’abord, et enfin à l’érable, qui ne laisse rien à désirer. »

« — Je connais ce bois, dit Goethe, il pousse souvent dans les haies ; je m’imagine en effet qu’il doit être bon ; mais j’ai vu rarement une jeune tige sans nœuds, et il vous faut pour votre arc une tige absolument libre de nœuds. »

« — Quand on veut faire monter l’érable en arbre, on lui retire les nœuds, ou en grossissant il les perd de lui-même. Quand il a quinze ou dix-huit ans, il est donc bien lisse, mais on ne sait pas comment il est à l’intérieur et quels mauvais tours il peut jouer. Aussi, on fera bien de faire scier son arc dans la partie la plus rapprochée de l’écorce. »

« — Mais vous disiez qu’il ne fallait pas scier le bois