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du paon, les grandes plumes du coq d’Inde, et surtout les fortes et magniflques plumes de l’aigle et de l’outarde. »

« — J’apprends tout cela avec grand intérêt, dit Goethe. Celui qui ne vous connaît pas ne croirait guère que vous avez des goûts si pratiques. Mais dites-moi donc aussi comment vous vous êtes procuré votre arc. »

« — Je m’en suis fabriqué quelques-uns moi-même, répondis-je. J’ai fait d’abord de la bien triste besogne, mais j’ai ensuite demandé des conseils aux menuisiers et aux charrons, essayé tous les bois du pays, et j’ai enfin réussi. Après des essais de différents genres, on me conseilla de prendre une tige assez forte pour que l’on pût la fendre (schlachten) en quatre parties. »

« — Schlachten, me demanda Goethe, quel est ce mot ? »

« — C’est une expression technique des charrons ; cela répond à fendre. Lorsque les fibres d’une tige sont droites, les morceaux fendus sont droits, et on peut s’en servir, sinon, non. »

« — Mais pourquoi ne pas les scier ? dit Goethe, on aurait des morceaux droits. »

« — Oui, mais quand les fibres du bois se courbent, on les couperait, et la tige ne pourrait plus dès lors servir à un arc. »

« — Je comprends, dit Goethe ; un arc se brise quand les fibres de la tige sont coupées. Mais continuez, vous m’intéressez. »

« — Mon premier arc était trop dur à tendre ; un charron me dit : « Ne prenez plus un morceau de baliveau, le bois est toujours très-roide ; choisissez un des chênes qui croissent près de Hopfgarten[1]. Le bois

  1. Village auprès de Weimar.