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l’enfant que l’on baigne avec l’eau de la baignoire[1]. J’espère que l’on rétablira les écoles de gymnastique[2], car elles sont nécessaires à notre jeunesse allemande, surtout aux étudiants, qui ne font en aucune façon contre-poids à leurs fatigues intellectuelles par des exercices corporels, et perdent ainsi l’énergie en tout genre. Mais parlez-moi donc de votre flèche et de votre arc. Ainsi, vous avez rapporté une flèche du Brabant ! Je voudrais bien la voir. »

« — Il y a longtemps qu’elle est perdue, répondis-je. Mais je me la rappelais si bien, que j’ai réussi à en faire une pareille, et non une seule, mais toute une douzaine. Ce n’était pas aussi facile que je le pensais, et je me suis mépris bien souvent. Il faut que la tige soit droite et ne se courbe pas après quelque temps, qu’elle soit légère, assez solide pour ne pas se briser au choc d’un corps solide. J’ai essayé le peuplier, le pin, le bouleau : ces bois avaient un défaut ou un autre ; avec le tilleul je réussis. Le choix de la pointe en corne m’a donné aussi du mal ; il faut prendre le milieu même d’une corne, sinon elle se brise. Et les plumes, que d’erreurs avant d’arriver ! »

« — Il faut, n’est-ce pas, dit Goethe, coller seulement les plumes à la flèche ? »

« — Oui, mais il faut que ce soit collé avec grande adresse, et l’espèce de colle, l’espèce de plumes à choisir, rien n’est indifférent : les barbes des plumes de l’aile des grands oiseaux sont bonnes, en général, mais celles que j’ai trouvées les meilleures sont les plumes rouges

  1. Proverbe.
  2. On sait que les écoles de gymnastique sont aujourd’hui en grand honneur en Allemagne, un peu à cause de nous.