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Chez eux, il trouve ce qui lui manque, comme ils trouvent en lui ce qui, chez eux, n’existe qu’incomplètement. Il sera dans peu d’années âgé de quatre-vingts ans, mais il ne sera jamais rassasié de recherches et d’expériences. Dans aucune branche il n’a fini ; il veut aller toujours plus loin, toujours plus loin ! toujours apprendre, toujours apprendre ! et en cela il montre une éternelle et indestructible jeunesse.

J’avais ces pensées en l’écoutant ce matin causer vivement avec d’Alton. D’Alton parlait des animaux rongeurs, de la forme et des modifications de leur squelette ; Goethe avait soif d’écouter toujours et encore de nouveaux récits de faits observés.

Mercredi, 27 avril 1825.

Vers le soir je suis allé chez Goethe, qui m’avait invité à une promenade en voiture. « Avant de partir, me dit-il, il faut que je vous montre une lettre de Zelter, que j’ai reçue hier, et qui touche à notre affaire du théâtre. » Zelter avait écrit entre autres ce passage[1] : « Que tu ne serais pas un homme à bâtir à Weimar un théâtre pour le peuple, je l’avais deviné depuis longtemps. Celui qui se fait feuille, la chèvre le mange. C’est à quoi devraient réfléchir d’autres puissances, qui veulent enfermer dans le tonneau le vin qui fermente. « Mes amis, nous avons vu cela ! « Oui, et nous le voyons encore. » — Gœthe me regarda et nous nous mîmes à rire. « Zelter est un bon et digne homme, dit-il, mais il lui arrive parfois de ne pas me comprendre et de donner à mes paroles une fausse interprétation. J’ai consacré au

  1. Lettre du 25 avril 1825. La citation : Mes amis… est prise dans Gœthe. (33e Épigramme.)