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énergie et en effet, sans perdre de beautés essentielles. » Cette idée de Goethe me frappa beaucoup. Je vis comment il faudrait agir dans les circonstances de ce genre qui se présentent à chaque instant au théâtre. Il est vrai que cette méthode suppose dans celui qui l’emploie un esprit bien fait, et même un poète qui connaisse fort bien son métier.

Nous avons continué à parler de Byron, et j’ai rappelé cette opinion sur le théâtre, qu’il a exprimée dans ses conversations avec Medwin, disant que c’était un travail aussi ingrat que difficile. Goethe dit : « Il ne s’agit pour le poëte que de suivre la route vers laquelle se portent le goût et l’intérêt du public. Si le talent et le public marchent dans le même sens, on est sûr du succès. Dans son Portrait, Houwald avait trouvé cette route, de là vint sa réussite complète. Lord Byron n’aurait peut-être pas été si heureux, parce que ses idées différaient en partie de celles du public. Il n’est pas du tout nécessaire d’être un grand poëte ; au contraire, le plus souvent, c’est parce qu’on s’élève peu au-dessus de la masse du public que l’on gagne la faveur générale. »

Goethe a exprimé ensuite la plus vive admiration pour le talent extraordinaire de Byron. « Ce que je nomme invention, a-t-il dit, ne m’a jamais, dans aucun homme, paru plus grand que chez lui. La manière dont il dénoue un nœud dramatique est toujours au-dessus de toute attente et toujours supérieure à celle que l’on avait dans la pensée. » — « Shakspeare, dis-je, produit sur moi le même effet, surtout avec Falstaff. Lorsqu’il s’est embarrassé et perdu dans ses mensonges, si je me demande comment je ferais pour le dégager, Shakspeare dépasse toujours tout ce que j’avais pu penser. Que vous disiez la même