Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était décrite, il s’enivrait de souvenirs, et à chaque personne citée, à chaque aventure, il complétait ce qu’il avait écrit par un récit oral détaillé. Ce fut une soirée délicieuse ! À plusieurs reprises il fut fait mention des contemporains les plus célèbres, mais cependant c’était vers Schiller, mêlé plus étroitement que personne à cette époque, de 1795 à 1800, que revenait toujours l’entretien. Ils avaient alors porté ensemble leur activité vers le théâtre ; c’est aussi dans ce temps que paraissent les principaux ouvrages de Goethe. Wilhelm Meister se termine ; immédiatement après Hermann et Dorothée est ébauché et écrit : Cellini est traduit pour les Heures, les Xénies composées en commun avec Schiller pour son Almanach des Muses ; chaque jour, alors, amenait des points de contact. Tout ce temps fut rappelé dans cette soirée, et Goethe trouvait à chaque instant l’occasion des plus intéressantes communications.

« Hermann et Dorothée, dit-il entre autres, est, de tous mes grands poèmes, presque le seul qui me fasse encore plaisir, je ne peux le lire sans un profond intérêt. Je l’aime surtout dans la traduction latine ; il me semble plus noble et comme revenu à sa forme originale. » Il fut aussi plusieurs fois question de Wilhelm Meister. « Schiller, dit Goethe, me blâma de l’introduction de l’élément tragique, comme d’une chose qui ne convient pas au roman. Il avait tort cependant, nous le savons tous. Dans les lettres qu’il m’a écrites, il y a sur Wilhelm Meister les vues et les idées les plus intéressantes. Cet ouvrage, d’ailleurs, est une de ces productions incalculables pour lesquelles la clef me manque presque à moi-même. On cherche un centre ; il est difficile à trouver, et il vaut même mieux ne pas le trouver. J’ai pu penser qu’un ta-