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naître les mérites de l’œuvre. Il faut qu’il ait manqué du sens de certaines choses[1].

« C’était là ce qu’il y avait de fâcheux avec Herder, répondit Goethe. Puis il ajouta avec vivacité : « Oui, quand même il serait là présent devant nous en esprit, eh bien, il ne nous comprendrait pas ! »

— J’ai eu au contraire, dis-je, à louer Merk, qui vous excita à faire imprimer Gœtz.

« C’était un homme bien remarquable et bien singulier : Imprime la chose, me dit-il, cela ne vaut rien, mais imprime toujours ! Il n’approuvait pas les corrections, et il avait raison, car en remaniant Gœtz, je l’aurais changé, mais je ne l’aurais pas rendu meilleur. »

Mercredi, 24 novembre 1824.

Je suis allé chez Goethe avant le spectacle, et je l’ai trouvé gai et bien portant. Il m’a demandé des renseignements sur les jeunes Anglais en ce moment à Weimar, et je lui ai dit que j’avais l’intention de lire avec M. Doolan[2] une traduction allemande de Plutarque. Cela amena la conversation sur l’histoire grecque et romaine, et Goethe me dit : « L’histoire romaine n’est pas pour notre époque. Nous sommes devenus trop humains pour ne pas résister aux triomphes de César. L’histoire grecque, de même, n’offre guère plus de parties qui puissent nous plaire. Lorsque ce peuple se tourne contre ses ennemis extérieurs, sa grandeur est éclatante, je l’avoue ; mais on

  1. Herder avait parfaitement vu les beautés de Gœtz, et dans une lettre à sa fiancée il en fait le plus grand éloge. Mais en écrivant à l’auteur lui-même, il insistait plutôt sur les défauts. C’est là agir en ami sévère, mais en vrai ami.
  2. Anglais qui habitait Weimar.