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tion. « On ne peut, a-t-il dit, comparer les deux poëtes sans détruire l’un par l’autre. Byron est le buisson enflammé qui réduit en cendres le cèdre sacré du Liban. La grande épopée de l’italien a soutenu sa gloire à travers les siècles, mais avec une seule ligne du Don Juan, on pourrait empoisonner toute la Jérusalem délivrée ! »

Mercredi. 26 mai 1824.

J’ai pris aujourd’hui congé de Goethe, pour aller voir dans le Hanovre mes parents et ensuite visiter les bords du Rhin, comme j’en avais depuis longtemps l’intention. Goethe a été très-affectueux et m’a serré dans ses bras. « Quand vous serez en Hanovre, chez Rehberg[1], peut-être verrez-vous ma vieille amie de jeunesse, Charlotte Kestner[2], faites-lui mes amitiés ; à Francfort, je vous recommanderai à mes amis Willemer[3], le comte Reinhard et Schlosser[4] ; à Heidelberg et à Bonn, vous verrez aussi des amis qui me sont très-dévoués et chez lesquels vous trouverez le meilleur accueil. Je voulais aller cet été passer quelque temps à Marienbad, mais j’attendrai pour partir votre retour. »

Il me semblait pénible de me séparer de Goethe, mais je le quittais avec le ferme espoir de le retrouver deux mois plus tard avec toute sa gaieté et toute sa santé. Et le jour suivant, je me sentis heureux lorsque la voi-

  1. Publiciste distingué, conseiller intime du roi de Hanovre ; mort en 1856.
  2. La Charlotte de Werther, mariée à Kestner, le type du froid Albert.
  3. Sénateur de Francfort, mort en 1838. Une poésie de Goethe lui est dédiée. (Werke. IV. 105, 185.)
  4. Neveu du beau-frère de Goethe. Il a rempli diverses fonctions importantes à Francfort, et publié plusieurs ouvrages de politique et de théologie ; mort en 1851.