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l’âme. C’est à peine si dans la prairie quelques places çà et là commençaient à verdir ; aux arbres du parc, rameaux et bourgeons étaient encore bruns ; cependant le cri du pinson et le chant du merle et de la grive, qui résonnaient de temps en temps, annonçaient l’approche du printemps. L’air était doux et agréable comme en été ; un souffle à peine sensible venait du sud-ouest. Sur un ciel serein glissaient quelques petites nuées d’orage ; plus haut on en remarquait d’autres, ayant la forme de longues bandes, qui se dénouaient. Nous contemplâmes les nuages avec attention et nous vîmes que ceux qui dans les régions inférieures s’étaient réunis en amas arrondis étaient aussi en train de se dissoudre ; Goethe en conclut que le baromètre allait monter. Il parla beaucoup sur l’élévation et l’abaissement du baromètre ; sur ce qu’il appelait l’affirmation et la négation de l’humidité. Il parla sur les lois éternelles d’aspiration et de respiration de la terre, sur la possibilité d’un déluge, au cas d’une affirmation d’humidité constante. Il dit que chaque endroit avait son atmosphère particulière, mais que cependant l’état barométrique de l’Europe avait une grande uniformité. Comme la nature est incommensurable, ses irrégularités sont immenses et il est très-difficile d’apercevoir les lois.

Pendant qu’il me donnait ces hauts enseignements, nous avancions sur la route sablée qui conduit au jardin. Quand nous fûmes arrivés, il fit ouvrir la maison par son domestique, pour me la montrer[1]. Les murs ex-

  1. Cette maisonnette existe encore. C’est un des cadeaux de Charles-Auguste à Goethe. Aujourd’hui un jardinier de bonne maison ne consentirait pas à y loger sans embellissements préalables. Goethe l’a habitée avec bonheur pendant des années, et il y a composé une grande partie de ses chefs-d’œuvre.