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Enfin nous avons examiné le modèle de la statue de Goethe, par Rauch, destinée à Francfort.

Mardi, 24 février 1824.

Je suis allé aujourd’hui à une heure chez Goethe. Il m’a montré les manuscrits qu’il avait dictés pour la première livraison du cinquième volume de l’Art et l’Antiquité. Je trouvai joint à ma critique du Paria allemand un appendice de Goethe sur la tragédie française et la trilogie lyrique elle-même. Les trois choses réunies forment un tout complet[1]. « Vous avez bien fait, à propos de cet article, me dit Goethe, de chercher à vous rendre compte de l’état de l’Inde ; car de nos études nous ne conservons que ce que nous avons tourné vers un but pratique. » Je lui dis que j’avais fait cette expérience à l’Université. « On apprend là beaucoup trop de choses, dit-il, et beaucoup d’inutilités. Les professeurs étendent leurs développements bien au delà de ce qui est nécessaire aux auditeurs. Autrefois la chimie et la botanique étaient enseignées comme des accessoires de la médecine, et cela suffisait aux médecins. Mais aujourd’hui chimie et botanique sont devenues des sciences indépendantes pour lesquelles un coup d’œil ne suffit pas, qui exigent chacune toute une vie d’homme, et on veut les exiger des médecins ! On n’arrivera à rien de cette façon ; on laisse, on oublie une science pour l’autre. Celui qui est sage repousse toutes ces prétentions qui dispersent les forces, il se renferme dans une seule science, et il y devient supérieur. »

  1. Voir l’article de Goethe intitulé les trois Parias. (Le poëme de Gœthe, les tragédies de Michel Béer et de Casimir Delavigne.)