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Fakroun, il se heurtait au bon sens et à l’énergie du marabout qui ne le laissait pas circonvenir les fellahs apeurés et naïfs.

Un jour même, le marabout dit en pleine djemââ au caïd qui, par des paroles cauteleuses recelant des menaces, poussait les fellahs à céder leurs terres pour la colonisation : « Dépouille-nous, mais ne dis pas que tu es notre bienfaiteur. »

La haine du caïd Salah pour le marabout s’envenima de tous ces échecs. Malgré tout le faux « parisianisme » du caïd, la lutte qui, dès le premier jour, se poursuivait entre lui et Sidi Bour Chakour était bien bédouine, sombre et pleine d’embûches.

Mais l’ordre le plus parfait régnait dans la forka, l’attitude du marabout était irréprochable et l’administration, malgré toutes les insinuations et les délations venimeuses du caïd, n’avait aucune raison de sévir. D’ailleurs, le caïd Salah se méprenait singulièrement sur l’effet produit par ses manières et ses procédés, il se croyait estimé tandis qu’en réalité il était méprisé. On se servait simplement de lui pour les besognes qu’il eût peut-être été imprudent de confier à d’autres, mais on ne voulait pas se créer des ennemis inutiles pour lui complaire.

Malheureusement, la triste et sombre affaire de Margueritte vint jeter la panique et la désorganisation