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En effet, le vieillard n’était servile envers personne, pas même envers les hokkam (autorités). Quand une cause lui semblait juste, il prenait courageusement la parole pour la défendre et, bien des fois, il avait souffert de cet esprit d’indépendance qui, s’il eût eu des émules nombreux, eût été pour sa race un gage sûr de renaissance.

Sidi Bou Chakour avait eu souvent des dissentiments avec les différents caïds qui s’étaient succédé depuis trente ans aux Béni-Bou-Abdallah, tribu dont dépendaient les Ouled-Fakroun. Mais ces hommes, bédouins eux mêmes, avaient au fond le respect du marabout, en même temps que la crainte de sa clairvoyance et de sa liberté de langage, et ils préférèrent entretenir des rapports courtois avec Sidi Bou Chakour.

Un jour on envoya comme caïd aux Beni-Bou-Abdallah, un jeune fils de famille, devant sa nomination à la longue domesticité des siens. Cet homme, d’une platitude servile devant l’autorité, se montra d’autant plus dur envers les fellahs sans défense qu’il administrait.

Fils de père naturalisé, élevé au lycée d’Oran où d’ailleurs ses études furent déplorables, nommé caïd très jeune grâce à ses hautes protections, le caïd Salah était un ambitieux, très dédaigneux au fond de sa race et sans scrupules.