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— Bois, dit-elle, et sa voix de gorge prit un accent solennel. Bois, car c’est l’eau miraculeuse d’Aïn-Djaboub, qui a pour vertu d’obliger au retour celui qui en a goûté. Maintenant, va, ô chéri, va en paix. Mais celui qui a bu à l’Aïn-Djaboub reviendra, et les larmes de ta Lalia sécheront ce jour-là.

— S’il plaît à Dieu je reviendrai. N’est-il pas dit : c’est le cœur qui guide nos pas ?

Et le taleb partit.

Lui que les voyages passionnaient jadis, que la variété des sites charmait, Si Abderrahmane sentit que, depuis qu’il avait quitté Ténès, tout lui semblait morne et décoloré. Le voyage l’ennuyait et les lieux qui lui plaisaient auparavant lui parurent laids et sans grâce.

« Hélas, pensa-t-il, ce ne sont pas les choses qui sont changées, mais bien mon âme en deuil. »

Le père de Si Abderrahmane mourut et les gens de Tlemcen obligèrent en quelque sorte Si Abderrahmane à occuper le poste du défunt, grand mouderrès.

Il fut entouré des honneurs dus à sa science et à sa vie dont la pureté approchait de la sainteté. Il avait pour épouse une femme jeune et charmante, il jouissait de l’opulence la plus large.