Page:Eberhardt - Pages d’Islam, 1920.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

retombent sur son front ; ses joues et ses lèvres bleuies par le froid se retroussent et se collent sur des dents aiguës, jaunâtres.

Elle va droit devant elle, comme les nuages qui s’en vont sous la poussée du vent… Elle va sans savoir, peut-être.

Quand elle croise les rares fellah se rendant à l’ouvrage ou les bergers, elle passe indifférente et muette.

Après des heures longues, dans le froid atroce, elle arrive à la porte d’un bordj, au fond d’un ravin que surplombent de hautes montagnes d’un noir d’encre, et où flottent des nuées livides.

Les chiens fauves, au poil hérissé, aux petits yeux louches, éclairant d’une lueur féroce le museau aigu, fait pour fouiller les chairs saignantes, s’acharnent sur la mendiante avec leur rauquement sourd qui n’a rien de l’aboiement joyeux des bons gardiens d’Europe. De son bâton, elle protège ses jambes maigres.

Sans appeler, sans frapper, elle entre dans la cour, puis, par la porte basse, dans un gourbi d’où s’échappe une fumée âcre et où bourdonnent des voix de femmes.

Autour d’un foyer de bois humide, allumé entre quatre pierres, des femmes en mlahfa blanches s’activent, préparant le premier repas de la longue journée de jeûne.

— Sois la bienvenue, mère Kheïra ! disent