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tout ses aises, le meddah ne voulut jamais tremper dans les louches histoires de vol qu’il a côtoyées parfois et n’a à se reprocher que les aventures, souvent périlleuses, que lui fait poursuivre sa nature de jouisseur, d’amoureux dont la réputation oblige.

En tribu, le coq parfait, l’homme à femmes risquant sa tête pour les belles difficilement accessibles, jouit d’une notoriété flatteuse et, malgré les mœurs, malgré la jalousie farouche, ce genre d’exploits jouit d’une indulgence relative, à condition d’éviter les conflits avec les intéressés et surtout le flagrant délit, presque toujours fatal. Pour l’étranger, cette quasi-tolérance est bien moindre et l’auréole de courage du meddah se magnifie encore de ce surcroît de danger et d’audace.

Aussi, durant toute la fête, les yeux du nomade cherchent-ils passionnément à découvrir, sous le voile de mystère de la tente des femmes, quelque signe à peine perceptible, prometteur de conquête.

… Après les danses, les luttes, la longue station autour du meddah, dont la robuste poitrine ne se lasse pas, après les quelques sous de la ziara donnés à l’oukil, qui répond par des bénédictions, les bédouins, las, s’endorment très tard, roulés dans leurs burnous, à même la bonne terre familière refuge de leur confiante misère. Peu à peu, un grand silence