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En plein soleil, une foule se meut, houleuse, aux groupes sans cesse changeants et d’une teinte uniforme d’un fauve très clair… Les bédouins vont et viennent, avec de grands appels chantants autour du makam élevé là en l’honneur de Sidi Abdelkader, le seigneur des Hauts-Lieux.

Sous des tentes en toile bise déchirées, des kabyles en blouse et turban débitent du café mal moulu dans des tasses ébréchées. Attirées par le liquide sucré, sur les visages en moiteur, sur les mains, dans les yeux des consommateurs, les mouches s’acharnent, exaspérées par la chaleur.

Les mouches bourdonnent et les bédouins discutent, rient, se querellent, sans se lasser, comme si leur gosier était d’airain. Ils parlent des affaires de leur tribu, des marchés de la région, du prix des denrées, de la récolte, des petits trafics rusés sur les bestiaux, des impôts à payer bientôt.

À l’écart, sous une grande tente rayée et basse, les femmes gazouillent, invisibles, mais attirantes toujours, fascinantes par leur seul voisinage pour les jeunes hommes de la tribu.

Ils rôdent le plus près possible de la bienheureuse bith-ech-châr, et quelquefois un regard chargé de haine échangé avec une sourde menace de la voix ou du geste révèlent tout un