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Quand il eut achevé la prière et le dikr du bienheureux cheikh Sidi Abd-el-Kader Djilani de Bagdad, Si Abd-es-Sélèm sortit de sa maison. La pleine lune se levait là-bas, au-dessus de la haute mer calme, à l’horizon à peine embruni de vapeurs légères d’un gris de lin.

Les féroces petits chiens des demeures bédouines proches du cimetière grondèrent, sourdement d’abord, puis coururent, hurlant, vers la route de Sidi-Brahim.

Alors, Si Abd-es-Sélèm perçut un appel effrayé, une voix de femme. Surpris, quoique sans hâte, le solitaire traversa la prairie et arrivant vers la route, il vit une femme, une Juive richement parée qui, tremblante, s’appuyait contre le tronc d’un arbre.

— Que fais-tu ici la nuit ? dit-il.

— Je cherche le sahâr (sorcier) Si Abd-es-Sélèm le Marocain. J’ai peur des chiens et des tombeaux… Protège-moi.

— C’est donc moi que tu cherches… à cette heure tardive, et seule. Viens. Les chiens me connaissent et les esprits ne s’approchent pas de celui qui marche dans le sentier de Dieu.

La Juive le suivit en silence.

Abd-es-Sélèm entendait le claquement des dents de la jeune femme et se demandait comment cette créature parée et timide avait pu venir là, seule après la tombée de la nuit.

Ils entrèrent dans la cour et Si Abd-es-Sélèm