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On frôlait des mauresques en pantalons lâches et en foulards gorge-de-pigeon ou vert Nil, des Espagnoles avec des roses de papier piquées dans leurs crinières noires.

On pouvait acheter de tout, on entendait tous les langages, tous les cris de la vie méditerranéenne, bruyante, toute en dehors, mêlée aux réticences et aux chuchotements de la vie maure.

Enfin, au fond d’une impasse, par une porte branlante, on entrait dans un patio frais, plein d’une ombre séculaire.

Un escalier de faïence usée, une autre porte : on était sur ma terrasse, étroite, dallée en damier noir et blanc, qui dominait toutes les terrasses et toutes les cours d’Alger, dévalant doucement vers le miroir moiré du port, où les grands navires à l’ancre me parlaient de voyages lointains, en cette fin d’été sereine.

Ma chambre était petite, voûtée, peinte en bleu pâle, avec des niches dans les murailles, et les solives du plafond s’assemblaient avec un art suranné, peintes en brun sombre.

Là, les bruits n’arrivaient qu’atténués, vagues, et rien n’indiquait le cours du temps, sauf les rayons obliques du soleil qui cheminaient, à travers les heures somnolentes, sur les murs anonymes d’en face.

Il faisait bon, dans ce vieux réduit barbaresque, rêver et s’alanguir en de longues