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musulman, non plus qu’à régenter ou suspecter toutes ses aspirations. Et c’est en ce sens que l’œuvre rééducation coloniale serait la plus belle de toutes, si elle était réciproque. — D’un point de vue qui n’est pas étranger à la civilisation, nous avons nous-mêmes beaucoup à apprendre des musulmans, mais cela, nous ne le savons pas encore.

Isabelle Eberhardt va plus loin, trop loin sans doute ; elle renverse la proposition quand elle suggère que l’assimilation pourrait se faire à rebours et géographiquement.

C’est une remarque historique non sans valeur que les vainqueurs risquent d’être absorbés par les vaincus. La terre d’Afrique ne s’est jamais laissé prendre tout à fait ; son action puissante est de tous les instants ; elle ne renoncera pas à transformer les êtres et les choses, à les vivifier de sa lumière propre ; elle a déjà défait beaucoup d’Europes et d’Asies, desséché des courants de pensée, épuisé des legs qu’on croyait plus riches ; les pierres romaines de Timgad ou de Volubilis ne parlent plus qu’une langue morte à côté du gourbi où le dialecte berbère s’est transmis sans écriture. Cependant il est remarquable que les exemples dont on peut illustrer cette thèse sont ordinairement pris aux deux extrémités de l’échelle sociale. Les artistes et les simples sont attirés par l’Islam. Isabelle