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avait cédé, avec la passiveté des filles de sa race : Mohammed était beau, jeune, de haute lignée et généreux, de cette insouciante générosité arabe qui touches la prodigalité.

Comme il rentrait à Aflou, elle l'avait suivi, s’installant parmi les filles de joie dont les robes aux couleurs éclatantes jettent leur note gaie sur le fond de pierre grise, de terre rosée et de verdure sombre de cette minuscule capitale prostituée traditionnellement.

Et Mohammed, quittant la tente paternelle sous tous les prétextes imaginables, venait la rejoindre, obstinément, malgré la colère de son père et les remontrances de tous les notables musulmans.

Entre Mohammed et Emmbarka était ne un de ces étranges amours, violent et tendre à la fois, comme il y en a tant entre Arabes de sang noble, de situation en vue, et prostituées obscures.

Mohammed comblait sa maîtresse de cadeaux, s’endettant pour elle, bravant avec une rare audace les suites de sa conduite.

L’ordre de partir avec le goum de son oncle le caïd avait surpris Mohammed en plein rêve. Il obéissait, à contre-cœur ; quelques mois auparavant il fût parti heureux, plein d’entrain et d'orgueil : pour lui, c'était la guerre, sous son aspect attirant et grisant de grande fantasia dangereuse.