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notes sur isabelle eberhardt

mais par l’évasion. Elle ne songeait pas à s’insurger, elle partait. Son sentiment s’exprimait d’un mot qui faisait image « la Route ! ».

Tel est le sens de son roman Trimardeur. M. Félix Fénéon l’a fort bien jugé, en disant : « Ce livre est imprégné de nihilisme contemplatif. »

Isabelle Eberhardt est certainement l’écrivain moderne qui a le mieux dit l’inconsciente sagesse arabe et la « philosophie du nomade ». Le désert africain par ses plus beaux soirs fut comme l’illustration de sa pensée.

Du temps qu’Isabelle Eberhardt habitait Ténès, elle y connut deux excellents écrivains algériens, M. Robert Arnaud, qui exerçait les fonctions d’administrateur adjoint, et M. Vaissié (Raymond Marival), juge de paix, qui venait de faire paraître un beau roman colonial : le Cof.

Il nous paraît bon de joindre à ces notes leur témoignage éloquent et ému

Ce fut un dimanche, dit M. Robert Arnaud, que l’on vendit, sur une place de Ténès. le mobilier et les hardes de celle qui n’avait jamais rien voulu posséder, cette Isabelle Eberhardt dont la mort récente, à Aïn-Sefra, a été une des grandes douleurs de ma vie. Un torrent passa sur la ville ; il laissa derrière lui, pêlemêle. avec l’écroulement des murs de toub et les débris des charpentes grossières en bois d’aràr, le cadavre de l’écrivain le plus mâle et le plus sincère du bled algérien. Un an auparavant elle habitait encore Ténès, où son mari, ancien maréchal des logis de spahis, puis de hussards, était khodja de la commune mixte. Là, je la voyais quasi chaque jour, elle portait avec élégance l’ample costume du cavalier arabe qui seyait à sa haute taille ; mais,