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notes sur isabelle eberhardt

celle-ci soit ainsi morte en activité. Au moment où les eaux ont tourbillonné sur elle pour l’assommer au fond de cette maison en ruines où on l’a retrouvée, elle criait à son mari, spahi indigène, qu’ « elle savait nager et qu’elle allait le sauver » Ce défi à la mort tut donc sa dernière parole.

« Maintenant nous songeons à son désir antérieur d’être enterrée dans le cimetière musulman de Bône, près de sa mère, et nous nous demandons si elle y sera réellement transférée, si elle reposera un jour à cette place que nous avons été visiter avec une folle émotion, lieu de délices mortuaires en face d’une mer bleu-paon sur laquelle s’alignent des cyprès noirs, et dont les petites tombes de faïence sont encore des habitations islamiques propres et tentantes, certaines possédant même une treille gonflée d’un sombre raisin. Nous avons médité, assise contre la double inscription, française et arabe, qui dit que Natalie d’Eberhardt, la mère, est née à Saint-Pétersbourg, et morte à Bône, et que son nom devant Allah était Fathima Manoubia…

« Qui étaient ces femmes, dont personne n’a pu nous fixer la vraie origine ? Quelles choses les ont poussées vers l’Afrique et vers l’Islam ? Il en est peut-être qui le savent. Pour nous, cela se perd dans un mystère qu’il est, d’ailleurs, inutile d’éclaircir. Il nous importe peu de savoir d’où venait cette Isabelle héroïque…

 » Il faudrait les tambours des grandes chevauchées
Ou l’innocent roseau qui s’enroue au désert…
Mais honorer ta fin de mes seuls yeux amers,
Qui pleureront le long des routes desséchées !

Mais t’attendre, malgré la mort, à des tournants,
Quand les nuits sont, au Sud, de palmes et d’étoiles,
Quand les parfums des oasis sont dans nos moelles
Et que l’Islam circule en ses manteaux traînants !