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notes sur isabelle eberhardt

impériales, avec l’autorisation desquelles je vis à l’étranger. J’exposai de plus à M. Fridel mes opinions personnelles sur la question des missions anglaises en Algérie, lui disant que j’ai en horreur tout prosélytisme et surtout l’hypocrisie.

À Touggourth, je trouvai comme chef du Bataillon d’Afrique, en l’absence du commandant, le capitaine de Suabielle, homme d’un caractère tout particulier et, pour employer une expression populaire, « peu commode ». Là encore, il me fallut prouver que je n’étais nullement une miss déguisée en arabe, mais bien une plumitive russe.

Il me semblerait pourtant que, s’il est de par le monde un pays où un Russe devrait pouvoir vivre sans être soupçonné de mauvaises intentions, ce pays est la France !

M. le Chef de l’annexe d’Eloued, le capitaine Cauvet, homme d’une très haute valeur intellectuelle et très dévoué à son service, a eu, six mois durant, l’occasion de constater de visu que l’on ne pouvait rien me reprocher, sauf une grande originalité, un genre de vie bizarre pour une jeune fille, mais bien inoffensif… et il ne jugea pas que ma préférence du burnous à la jupe et des dunes au foyer domestique pût devenir dangereuse pour la sécurité publique dans l’annexe.

J’ai dit, dans ma première lettre, que les Souafa appartenant à la confrérie de Sidi Abd-el-Kader el Djilani et ceux des confréries amies ont manifesté leur douleur quand ils ont appris que l’on avait tenté de m’assassiner.

Si ces braves gens avaient une certaine affection pour moi, c’est parce que je les ai secourus de mon mieux, parce que, ayant quelques faibles connaissances médicales, je les ai soignés pour des ophtalmies, des conjonctivites et autres affections communes dans ces régions. J’ai tâché de faire un peu de bien dans l’endroit où je vivais… c’est le seul rôle que j’aie jamais joué à Eloued.

En ce monde, il y a bien peu de personnes qui n’aient aucune passion, aucune manie. Si souvent, pour ne parler que de mon sexe, il est des femmes qui feraient tant de folies pour avoir des toilettes chatoyantes ! Il en est