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Elle ne fut pas seulement le cavalier d’une fantasia, la passante sur un fond saharien, mais encore la nomade des sables et l’errante des villes.

N’eût elle rien écrit, Isabelle Eberhardt mériterait encore, par sa vie, de retenir l’attention dans notre époque de curiosité, qui semble chercher des héroïnes, mais qui ne les accepte le plus souvent qu’au théâtre. Celle ci fut simple et forte, et, d’ailleurs, une fin tragique couronna son destin.

Elle mourut à vingt-sept ans, dans la catastrophe d’Aïn-Sefra, le 21 octobre 1904, entraînée, par la chute de sa maison, dans le débordement des eaux[1].

On retrouva son corps, sous les décombres, deux jours après l’inondation. Le général Lyautey, qui s’intéressait à ses études sahariennes si colorées et si exactes, la fit inhumer au cimetière musulman d’Aïn-Sefra.

C’était là qu’elle allait, c’est là qu’elle repose, au pays des lumières de diamant, dans le cimetière le plus idéaliste du monde, sans aucune laideur voisine, au pied de la haute dune de sable qui fut l’écran de ses rêves et qui descendra un jour sur les humbles tombes nues pour les recouvrir de son manteau d’or.

Son mari, M. Sliman Ehnni, qui se trouvait près d’elle,

  1. À l’extrémité des Hauts-Plateaux du Sud-Oranais, Aïn Sefra est située dans un vaste cirque de montagnes par 1.200 mètres d’altitude. Les premières pluies d’automne y sont presque toujours d’une grande violence, et toutes les saisons y éclatent avec brusquerie.