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victime d’une tentative d’assassinat de la part d’une sorte de fou indigène. Malgré mes efforts, la lumière ne fut pas faite sur cette histoire, lors du procès qui eut lieu, en juin 1901, devant le Conseil de guerre de Constantine.

Au sortir du Conseil de guerre, où j’avais naturellement dû comparaître comme principal témoin, je fus brusquement expulsée du territoire algérien (et non de France), sans qu’on daignât même m’exposer les motifs de cette mesure. Je fus donc brutalement séparée de mon mari. — Étant naturalisé français, son mariage musulman n’était pas valable.

Je me réfugiai auprès de mon frère de mère, à Marseille, où mon mari vint bientôt me rejoindre, permutant au 9* hussards. Là, l’autorisation de nous marier nous fut accordée après enquête et sans aucune difficulté… Il est vrai que c’était en France, bien loin des proconsulats militaires du Sud-Constantinois. Nous nous mariâmes à la mairie de Marseille, le 17 octobre 1901.

En février 1902, le rengagement de mon mari expirant, il quitta l’armée et nous rentrâmes en Algérie. Mon mari fut bientôt nommé khodja (secrétaire-interprète) à la commune mixte de Ténès, dans le nord du district d’Alger, où il est encore.

Telle est ma vraie vie, celle d’une âme aventureuse, affranchie de mille petites tyrannies, de ce qu’on appelle les usages, le « reçu », et avide de vie au grand soleil, changeante et libre.

Je n’ai jamais joué aucun rôle politique, me bornant à celui de journaliste, étudiant de près cette vie indigène que j’aime et qui est si mal connue et si défigurée par ceux qui, l’ignorant, prétendent la peindre.

Je n’ai jamais fait aucune propagande parmi les indigènes, et il est réellement ridicule de dire que je pose en pythonisse !

Partout, toutes les fois que j’en ai trouvé l’occasion, je me suis attachée à donner à mes amis indigènes des idées justes et raisonnables et à leur expliquer que, pour eux, la domination française est bien préférable à celle des Turcs et à toute autre.