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peau de bouc pleine d’eau, elle reprit le chemin escarpé de son bordj solitaire.

Hama Srir ne parla point à Sélem de cette rencontre, mais il devint songeur.

— « Il ne faut jamais dire ses projets d’amour, cela porte malheur », précisa-t-il.

Tous les soirs, quand le soleil embrasait le désert ensanglanté et déclinait vers l’oued Rir salé, Saâdia descendait à la fontaine pour attendre « celui que Dieu lui avait promis ».

Un jour qu’elle était sortie à l’heure ardente de midi, pour abriter son troupeau de chèvres, elle crut défaillir : un homme, vêtu d’une longue gandoura et d’un burnous blancs, armé d’un long fusil à pierre, montait vers le bordj.

En hâte elle se retira dans un coin de la cour où était leur humble logis et là, tremblante, elle invoqua tout bas Djilani, « l’Émir des Saints », car elle aussi était de ses enfants.

L’homme entra dans la cour et appela le vieux gardien :

— Abdallah ben Hadj Saâd, dit-il, mon père était chasseur, il appartenait à la tribu des Chorfa Ouled Seïh, de la ville de Taïbeth-Gueblia. Je suis un homme sans tare et dont la conscience est pure — Dieu le sait. Je viens te demander d’entrer dans ta maison, je viens te demander ta fille.

Le vieillard fronça les sourcils.

— Où l’as-tu vue ?