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uniquement pour contempler la féerie du jour finissant. Très bien sous son uniforme sombre, sous le tricorne noir à pompon rouge, drapé dans son vaste manteau noir, il semble ne sourire qu’aux horizons lointains où flottent les lueurs roses du couchant.

Mais, à chaque instant, un geste à peine perceptible de sa main gantée envoie sa pensée vers la jeune fille, et l’éventail en plumes d’autruche blanches de celle-ci répond, frémissant.

Avec leurs airs distraits, pensifs, muets, ils font l’amour

… Dans une découpure basse de la côte de San Bartholomeo, on a creusé des canaux et on a inondé des lagunes salées. Sur les chemins de ronde élevés, des sentinelles impassibles vont et viennent, baïonnette au canon. En bas, sur les chalands lourds, sur les sentiers de halage, des théories d’hommes vêtus de gris et coiffés de petites calottes rouges, au crâne et au visage rasés, peinent sous le soleil ardent, silencieux et mornes comme de tristes bêtes de somme.

Ce sont les galeotti, les forçats.

Pour être admis à travailler ainsi au grand air, il faut avoir tenu une conduite exemplaire pendant sept années, dans l’abrutissement et le silence de tombeau du carcere duro.

Et tous, ils ont la même expression d’indifférence bestiale sur des faces d’une sénilité prématurée, simiesques sinistrement.