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des taches de sang, ravinée, chaotique, domine sa grande baie bleue.

Tout en haut, au sommet de la colline ardue, la vieille ville, le Castello féodal reste séparé des quartiers inférieurs par ses remparts à tours carrées, brûlés par le soleil à travers les siècles morts.

Pour entrer dans le Castello depuis le Corso Vittorio Emanuele, on passe sous une haute voûte noire de vétusté, où gîtent les chauves-souris, dans le fouillis grisâtre des toiles d’araignées. À l’entrée de la voûte, très haut, la vieille herse de fer est encore suspendue, rouillée et immobilisée pour toujours.

Les rues montent, le pavé de cailloux pointus, avec, pour les piétons, des sentiers étroits, en dalles polies par l’usure, glissantes… Mais jamais aucune voiture ne passe dans ces voies silencieuses, et de l’herbe menue, étiolée, pousse entre les cailloux gris. Plus haut, ce sont des escaliers raides, passant sous des voûtes sombres jusqu’à la Piacetta Martyri d’Italia et la Porta Principe Amedeo.

Le Castello se compose de plusieurs petites terrasses superposées, dont l’une est transformée en une large et belle esplanade entourée d’un parapet et plantée de pins pignons, d’où la vue s’étend, incomparable, sur la campagne cagliaritaine et sur la mer.

Vers l’est, un jardin luxuriant est disposé sur une bande étroite de terre, entre la falaise rougeâtre qui supporte les casernes et la prison