Page:Eberhardt - Contes et paysages, 1925.pdf/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la notion très nette de la nécessité de se soigner et elle se laissait faire avec une soumission absolue.

Le dernier jour, elle fut plus calme, silencieuse, son regard déjà atone et indifférent flottait au loin. Sans nous voir, elle fixait ses yeux sur nous, et semblait regarder à travers nos corps, très loin.

Son corps décharné, son visage devenu anguleux paraissaient à peine dans les draps blancs du grand vieux lit à deux places, sur l’oreiller où sa tête légère faisait une presque imperceptible dépression.

Marie Edouardowna nous dit :

— Il ne faut pas la quitter. C’est tout à fait la fin.

Et Vlassof et moi, nous demeurions là, assis près d’elle, silencieux comme ceux qui veillent les morts.

La journée fut longue dans cette attente d’une chose redoutée, inexorable.

Depuis plusieurs jours, Chouchina n’avait plus parlé des examens, ni demandé les dates des jours qui s’écoulaient.

C’était le jour des examens, et nous nous réjouissions de cet oubli où Chouchina semblait être plongée.

Vers cinq heures, tandis que le crépuscule froid d’automne assombrissait la chambre, Chouchina commença à parler. Ce fut d’abord un murmure inintelligible, entrecoupé. Puis, rapprochés, attentifs, nous entendîmes : — Dimanche, c’était, c’était le huit… le huit… oui. Lundi ? lundi, le