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À l’inquiétude réelle que j’éprouve, je vois que, peu à peu, inconsciemment, je me suis attachée à ce petit être qui tient si peu de place et qui, sous des dehors de faiblesse et d’effacement, est vaillant et bon.

Je lui ai parlé de sa santé. Alors, avec un sourire très calme, elle m’a répondu :

— Mais oui : je suis phtisique… il y a longtemps. Quand j’étais infirmière au dépôt de Tioumène, où passent les émigrants russes s’en allant en Sibérie, j’ai ressenti les premiers symptômes. Seulement, depuis lors, je m’observe, et je me soigne. Je voudrais passer mon doctorat avec succès et, après, avoir quelques années devant moi pour travailler.

À ces derniers mots, une ombre grise passa dans son regard… Elle ne veut pas approfondir cette question. Elle ne veut pas laisser son angoisse se formuler… Elle en a peur.


Il y a une douloureuse incompatibilité entre les exigences contraires de son état de santé, car elle traverse une crise dangereuse, et celles aussi tyranniques du travail assidu et complexe qui lui incombe.

Et moi, admirant ce courage tranquille et ce vouloir de vivre et d’être utile, je ne puis rien pour elle, car elle n’a besoin ni d’encouragement, ni de consolations.

Elle ne veut pas consulter un médecin, disant