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qu’un jeune garçon jouait de la flûte arabe et qu’un juif grattait sur une espèce de mandoline…

Leurs chansons et les gestes de leur danse étaient d’une impudeur ardente qui enflammait peu à peu les spectateurs très nombreux ce soir-là.

Les plaisanteries et les compliments crus pleuvaient, en arabe, en français, plus ou moins mélangés de sabir.

— T’es tout d’même rien gironde, la môme ! dit un Joyeux, enfant de Belleville exilé en Afrique, qui semblait en admiration devant Yasmina, quand, à son tour, elle descendit dans la salle.

Sérieuse et triste comme toujours, enveloppée dans sa résignation et dans son rêve, elle dansait, pour ces hommes dont elle serait la proie dès la fermeture du bouge.

Un brigadier indigène de spahis, qui avait connu Abd-el-Kader ben Smaïl et qui avait vu Yasmina, la reconnut.

— Tiens ! dit-il. Voilà la femme d’Abd-el-Kader. L’homme aux Traves, la femme en boîte… ça roule, tout de même !

Et ce fut lui qui, ce soir-là, rejoignit Yasmina dans le réduit noir qui lui servait de chambre.

    

La pleine lune montait, là-bas, à l’Orient, derrière les dentelures assombries des montagnes de l’Aurès…