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fusil, fait partir beaucoup de pétards, fait courir les faméliques chevaux, avec de grands cris qui enivraient hommes et bêtes.

À la ville, les femmes avaient dansé au son des benadir et de la r’aïta bédouines…

Yasmina, vêtue de plusieurs chemises en mousseline blanche à longues et larges manches pagode, d’un kaftan de velours bleu galonné d’or, d’une gandoura de soie rose, coiffée d’une petite chéchia pointue, cerise et verte, parée de bijoux d’or et d’argent, trônait sur l’unique chaise de la pièce, au milieu des femmes, tandis que les hommes s’amusaient dans la rue et sur les bancs du café maure d’en face.

Par les femmes, Yasmina avait appris le départ de Chérif Chaâmbi, et la dernière lueur d’espoir qu’elle avait encore conservée s’éteignit : elle ne saurait donc plus jamais rien de son Jacques.

Le soir, quand elle fut seule avec Abd-el-Kader, Yasmina n’osa point lever ses yeux sur ceux de son mari. Tremblante, elle songeait à sa colère imminente, et au scandale qui en résulterait s’il ne la tuait pas sur le coup.

Elle aimait toujours son Roumi, et la substitution du spahi à Elaour ne lui causait aucune joie… Au contraire, elle savait qu’Elaour passait pour très bon enfant, tandis qu’Abd-el-Kader avait la réputation d’un homme violent et terrible…

… Quand il apprit ce que Yasmina ne put lui cacher, Abd-el-Kader entra dans une colère