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Jacques s’attendait à une explosion de désespoir déchirant…

Mais, debout devant lui, elle ne broncha pas. Elle continua de le regarder bien en face, comme si elle eût voulu lire dans ses pensées les plus secrètes… et ce regard lourd, sans expression compréhensible pour lui, le troubla infiniment… Mon Dieu ! allait-elle donc croire qu’il l’abandonnait volontairement ?

Comment lui expliquer la vérité, comment lui faire comprendre qu’il n’était pas le maître de sa destinée ? Pour elle, un officier Français était un être presque tout-puissant, absolument libre de faire tout ce qu’il voulait.

… Et Yasmina continuait de regarder Jacques bien en face, les yeux dans les yeux. Elle gardait le silence…

Il ne put supporter plus longtemps ce regard qui semblait le condamner.

Il la saisit dans ses bras. — Ô Aziza ! Aziza ! dit-il. — Tu te fâches contre moi ! Ne vois-tu donc pas que mon cœur se brise, que je ne m’en irais jamais, si seulement je pouvais rester !

Elle fronça ses fins sourcils noirs.

— Tu mens ! dit-elle. Tu mens ! Tu n’aimes plus Yasmina, ta maîtresse, ta femme, ta servante, celle à qui tu as pris sa virginité. C’est bien toi qui tiens à t’en aller !… Et tu mens encore, quand tu me dis que tu reviendras bientôt… Non, tu ne reviendras jamais, jamais, jamais !