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lieutenant Jacques », comme on l’appelait au pays, faisait toutes ces choses qui passaient par son cerveau embrasé, aux heures lentes des nuits mauvaises.

Yasmina avait bien remarqué la tristesse et l’inquiétude croissante de son Mabrouk, et, n’osant encore lui avouer la vérité, il lui disait que sa vieille mère était bien malade, là-bas, fil Fransa

Et Yasmina essayait de le consoler, de lui inculquer son tranquille fatalisme.

— Mektoub, disait-elle. Nous sommes tous sous la main de Dieu et tous nous mourrons, pour retourner à Lui… Ne pleure pas ; Ya Mabrouk, c’est écrit.

Oui, songeait-il amèrement, nous devons tous, un jour ou l’autre, être à jamais séparés de tout ce qui nous est cher… pourquoi donc le sort, ce Mektoub dont elle me parle, nous sépare-t-il donc prématurément, tant que nous sommes en vie tous deux ?

Enfin, peu de jours avant celui fixé irrévocablement pour son départ, Jacques partit pour Timgad… Il allait, plein de crainte et d’angoisse, dire la vérité à Yasmina. Cependant, il ne voulait point lui dire que leur séparation serait probablement, certainement même, éternelle…

Il lui parla simplement d’une mission devant durer trois ou quatre mois.