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qu’il était tout jeune et très beau sous sa simple tenue de toile blanche.

Elle avait auprès d’elle une petite guerba* suspendue entre trois piquets formant faisceau.

Jacques lui demanda à boire, par signes. Sans répondre, elle lui montra du doigt la guerba.

Il but. Puis il lui tendit une poignée de bonbons roses. Timidement, sans oser encore avancer la main, elle dit en arabe, avec un demi-sourire et levant pour la première fois ses yeux sur ceux du Roumi :

— Ouch-noua ? Qu’est-ce ?

— C’est bon, dit-il, riant de son ignorance, mais heureux que la glace fût enfin rompue.

Elle croqua un bonbon, puis, soudain, avec un accent un peu rude, elle dit : « Merci ! »

— Non, non, prends-les tous !

— Merci ! Merci ! Msiou ! merci !

— Comment t’appelles-tu ?

Longtemps, elle ne comprit pas. Enfin, comme il s’était mis à lui citer tous les noms de femmes Arabes qu’il connaissait, elle sourit et dit : « Smina » (Yasmina).

Alors, il voulut la faire asseoir près de lui, pour continuer la conversation. Mais, prise d’une frayeur subite, elle s’enfuit.

Toutes les semaines, quand approchait le dimanche, Jacques se disait qu’il agissait mal, que son devoir était de laisser en paix cette créature innocente dont tout le séparait et qu’il ne