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n’avaient point souillée, — ce n’était que ce vide profond qui le poussait vers l’inconnu troublant qu’il commençait à entrevoir au delà de cette ébauche d’aventure bédouine.

… Enfin, il s’enfonça dans l’étroite et profonde gorge de l’oued desséché.

Çà et là, sur les grisailles fauves des broussailles, un troupeau de chèvres jetait une tache noire à côté de celle, blanche, d’un troupeau de moutons.

Et Jacques chercha presque anxieusement celui de Yasmina.

— Comment se nomme-t-elle ? Quel âge a-t-elle ? Voudra-t-elle me parler, cette fois, ou bien s’enfuira-t-elle comme l’autre jour ?

Jacques se posait toutes ces questions avec une inquiétude croissante. D’ailleurs, comment allait-il lui parler, puisque, bien certainement, elle ne comprenait pas un mot de français et que lui ne savait pas même le sabir ?…

Enfin, dans la partie la plus déserte de l’oued, il découvrit Yasmina, couchée à plat ventre parmi ses agneaux, et la tête soutenue par ses deux mains.

Dès qu’elle l’aperçut, elle se leva, hostile de nouveau.

Habituée à la brutalité et au dédain des employés et des ouvriers des ruines, elle haïssait tout ce qui était chrétien.

Mais Jacques souriait, et il n’avait pas l’air de lui vouloir du mal. D’ailleurs, elle voyait bien