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Puis, elle se calma et sourit, car c’était écrit. Les jours se passèrent. Yasmina n’allait plus au pâturage. Elle cousait, de ses petites mains maladroites, son humble trousseau de fiancée nomade.

Personne, parmi les femmes du douar, ne songea à lui demander si elle était contente de ce mariage. On la donnait à Elaour, comme on l’eût donnée à tout autre Musulman. C’était dans l’ordre des choses, et il n’y avait là aucune raison d’être contente outre mesure, ni non plus de se désoler.

Yasmina savait même que son sort serait un peu meilleur que celui des autres femmes de sa tribu, puisqu’elle habiterait la ville et qu’elle n’aurait, comme les Mauresques, que son ménage à soigner et ses enfants à élever.

Seuls les enfants la taquinaient parfois, lui criant : — Marte-el-Aour ! La femme du borgne ! Aussi évitait-elle d’aller, à la tombée de la nuit, chercher de l’eau à l’oued, avec les autres femmes. Il y avait bien une fontaine dans la cour du « bordj » des fouilles, mais le gardien Roumi, employé des Beaux-Arts, ne permettait point aux gens de la tribu de puiser l’eau pure et fraîche dans cette fontaine. Ils étaient donc réduits à se servir de l’eau saumâtre de l’oued où piétinaient, matin et soir, les troupeaux. De là, l’aspect maladif des gens de la tribu continuellement atteints de fièvres malignes.

Un jour, Elaour vint annoncer au père de