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bonté du docteur, affluaient au bureau arabe, s’adressaient à lui au cours de ses promenades, troublaient sa rêverie, sur les nattes des cafés… Au lieu de s’impatienter, il constatait ce qu’il y avait là de progrès, et se réjouissait. La difficulté de sa tâche ne le rebutait pas, ni l’ingratitude de beaucoup.

Son heure de repos délicieux, de rêve doucement mélancolique était celle du soir, au coucher du soleil. Il s’en allait dans un petit café maure, presque en face du bureau arabe, et là, étendu, il regardait la féerie chaque jour renaissante, jamais semblable, de l’heure pourpre.

En face de lui, les bâtiments laiteux du bordj se coloraient d’abord en rose, puis, peu à peu, ils devenaient tout à fait rouges, d’une teinte de braise, inouïe, aveuglante… Toutes les lignes, droites ou courbes, qui se profilaient sur la pourpre du ciel, semblaient serties d’or… Derrière, les coupoles embrasées de la ville, les grandes dunes flambaient… Puis, tout pâlissait graduellement, revenait aux teintes roses, irisées… Une brume pâle, d’une couleur de chamois argenté, glissait sur les saillies des bâtiments, sur le sommet des dunes. Des renfoncements profonds, des couloirs étroits entre les dunes, les ombres violettes de la nuit rampaient, remontaient vers les sommets flamboyants, éteignaient l’incendie… Puis, tout sombrait dans une pénombre bleu-marine, profonde.

Alors, du grand minaret de Sidi Salem et de