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placé à côté de ce bureau arabe omnipotent, n’ayant aucune autorité, il devait rester dans son rôle de spectateur inactif.

Aux débuts, il avait bien essayé de parler, à la popote, mais il s’était heurté au parti pris inébranlable, à la conviction sincère et obstinée de ces gens, et aussi, ce qui le fit taire, à leur ironie.

« Vous êtes bien jeune, docteur, et vous ignorez tout de ce pays, de ces indigènes… Quand vous les connaîtrez, vous direz comme nous. » Le capitaine Malet avait prononcé ces paroles sur un ton de condescendance ironique qui avait glacé Jacques.

Depuis qu’il commençait à comprendre l’arabe, à savoir s’exprimer un peu, il aimait à aller s’étendre sur une natte, devant les cafés maures, à écouter ces gens, leurs chants libres comme leur désert et comme lui, insondablement tristes, leurs discours simples. Peu à peu, les Souafas commençaient à s’habituer à ce Roumi, à cet officier qui n’était pas dur, pas hautain, qui leur parlait avec un si franc sourire, qui s’asseyait parmi eux, qui, d’un geste, les arrêtait, quand ils voulaient se lever à son approche pour le saluer…

Pourquoi était-il comme ça ? Ils ne le savaient pas, ne le comprenaient pas. Mais ils le voyaient secourable à toutes leurs misères, combattant patiemment, pas à pas, leur méfiance, leur ignorance. Les malades, rassurés par la réputation de