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qui, les yeux baissés, le cœur fermé farouchement, se levaient soumis, et le saluaient au passage.

— Les indigènes, quels qu’ils soient, sont tenus de saluer tout officier, avait dit le capitaine Malet, aussi raide et aussi résorbé par le métier de dureté que Rezki le turco.

— Je vous engage à ne jamais rapprocher ces gens de vous, à les tenir à leur juste place. De la sévérité, toujours, sans défaillance… C’est le seul moyen de les dompter.

Dur, froid, soumis aveuglément aux ordres venant de ses chefs, sans jamais un mouvement spontané, ni de bonté, ni de cruauté, impersonnel, le capitaine Malet vivait depuis quinze ans parmi les indigènes, ignoré d’eux et les ignorant, rouage parfait dans la grande machine à dominer. De ses aides, il exigeait la même impersonnalité, le même froid glacial…

Jacques, dès les premiers jours, s’insurgea, voulant être lui-même, et agir selon sa conscience qui, méticuleuse, lui prépara des mécomptes, des désillusions et une incertitude perpétuelle. Le capitaine haussa les épaules.

— Voilà, dit-il à son adjoint, une nouvelle source d’ennuis. L’autre (son prédécesseur) se pochardait et nous rendait ridicules… Celui-là vient faire des innovations, tout bouleverser, juger, critiquer… Je parie qu’il est imbu d’idées humanitaires, sociales et autres… du même genre. Heureusement qu’il n’est que médecin et qu’il n’a pas à se