Page:Eberhardt - Contes et paysages, 1925.pdf/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait cru comprendre et qu’il avait commencé à aimer…

Voilà que maintenant, tout cet espace qui le séparait de Biskra, où il avait quitté les derniers aspects un peu connus, un peu familiers, tout cela lui semblait prenant, tyrannique, hostile jusqu’à la désespérance presque…

Un capitaine, deux lieutenants des affaires indigènes, un officier de tirailleurs et le sous-lieutenant de spahis, vieil Arabe, momie usée sous le harnais, tels étaient ses nouveaux compagnons… Dès son arrivée auprès d’eux, un grand froid avait serré son cœur. Ils étaient courtois, ennuyés et loin de lui, si loin… Et il s’était trouvé seul, lamentablement, dans l’angoisse de ce pays qui, maintenant, l’effrayait. Silencieux, obéissant toujours dans ses rapports avec les hommes à la première impression instinctive qu’il sentait juste, il se renferma en lui-même. On le jugea maussade et insignifiant, ce pâle blond aux yeux bleus, dont le regard semblait tourné en dedans. Ce qui acheva de les séparer, ce fut que tout de suite, il se sentit leur supérieur grâce à son intellectualité développée, toute en profondeur, avec son éducation soignée, délicate.

Il étudia, consciencieusement, la langue rauque et chantante dont, tout de suite, il avait aimé l’accent, dont il avait saisi l’harmonie avec les horizons de feu et de terre pétrifiée…

Comme cela, il leur parlerait, à ces hommes