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éternel, enserraient le ksar incolore, dont les innombrables petites coupoles continuaient leur moutonnement innombrable.

De petites rues tortueuses, bordées de maisons de plâtre caduques, coupées de ruines, avec parfois l’ombre grêle d’un dattier cheminant sur les choses, obéissant elle aussi à la lumière, de petites places aboutissant à des voies silencieuses qui s’ouvraient, brusquement, décevantes, sur l’immensité incandescente du désert… Un bordj tout blanc, isolé dans le sable et de la terrasse duquel on voyait la houle infinie des dunes, avec, dans les creux profonds, le velours noir des dattiers… Çà et là, une armature de puits primitif, une grande poutre dressée vers le ciel, inclinée, terminée par une corde, comme une ligne de pêcheur géante… Dominant tout, au sommet de la colline, une grande tour carrée, d’une blancheur tranchant sur les transparences ambiantes et qui scintillait au milieu du jour, aveuglante, gardant le soir les derniers rayons rouges du couchant : le minaret de la zaouïya de Sidi Salem.

Alentour, cachés dans les dunes, des villages esseulés, tristes et caducs, dont les noms avaient pour Jacques une musique étrange : El-Bayada, Foum-Sahhaeuïne, Oued-Allenda, Bir-Araïr…

La première sensation, poignante jusqu’à l’angoisse, fut pour Jacques celle de l’emprisonnement dans tout ce sable, derrière toutes ces solitudes, que, pendant huit jours, il avait traversées, qu’il