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Les habitants de Tamerna étaient des Rouara de race noire saharienne, une peuplade taciturne, d’aspect sombre et de piété ardente, mêlée de croyances fétichistes aux amulettes et aux morts.

La magie menaçante, le silence du désert contrastant avec le mystère et le murmure vivant des jardins inondés, avaient imprimé leur sceau sur l’esprit des habitants et assombrissaient chez eux la simplicité de l’Islam monothéiste.

Grands et maigres sous leurs vêtements flottants, encapuchonnés, portant au cou de longs chapelets de bois jaune, les Rouara se glissaient comme des fantômes dans l’enchevêtrement de leurs jardins.

Pour préserver les dattes de sortilèges, ils attachaient des os fétiches aux régimes mûrissants. Ils ornaient de grimaçantes figures les corniches et les coupoles ovoïdes de leurs Koubba et de leurs mosquées pétries en toub. Aux coins de leurs maisons semblables à des ruches, ils piquaient des cornes noires de gazelles ou de chèvres… La nuit du jeudi au vendredi, nuit fatidique, ils allumaient de petites lampes à huile près des tombeaux disséminés dans la campagne.

Ils subissaient la hantise de l’au-delà, des choses de la nuit et de la mort.

Andreï ouvrait largement son âme à toutes les croyances, n’en choisissant aucune, et ces superstitions naïves ne le révoltaient point car, après