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curieux. Sa hâte de vivre se ralentit et il escompta avec dédain la vanité de tout effort violent, de toute activité dévorante.

Quand, ayant opté pour la nationalité française, il entra aux chasseurs d’Afrique et fut envoyé dans un poste optique du Sud, son ennui et son dégoût d’être soldat firent place à la joie du voyage et de la révélation brusque, flamboyante du Sud.

Les splendeurs plus douces de la lumière tellienne lui semblèrent pâles, là-bas, au pays du silence et de l’aveuglant soleil.

Un bordj surmonté d’une haute tour carrée, sur une colline nue, au milieu d’un désert d’une aridité effrayante…

Pas une plante, pas un arbre faisant tache sur la terre ocreuse, tourmentée, calcinée… Et, tous les jours, inexorablement, le même soleil dévorateur, arrachant à la terre sa dernière humidité, lui interdisant, jaloux, de vivre en dehors de ses jeux à lui, capricieux, aux heures d’opale du matin et de pourpre dorée du soir.

Là, Andreï comprit le culte des humanités ancestrales pour les grands luminaires célestes, pour le feu tout-puissant, générateur et tueur.

Ce bordj, sur la porte duquel les Joyeux ironiques avaient inscrit le surnom de « Eden Purée », Andreï l’aima.

Entouré de quelques camarades avides de retour et que, seule, l’absinthe consolait d’être là, Andreï s’était isolé, pour mieux goûter le processus de