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la voiture, le vieux Chinois marmottait ses étranges anathèmes sur la mort de son ami Tony.

Bob possédait des nerfs solides, mais il fut heureux d’apercevoir bientôt les lumières hospitalières du ranch de Madden. Il laissa sa voiture sur la route pendant qu’il ouvrait la barrière : un morceau de bois pris dans le loquet le retarda un instant, mais il parvint enfin à le soulever et, remontant sur le siège, il amena la voiture dans la cour. Avec une sensation de soulagement, il la fit tourner et l’arrêta devant la grange où Charlie Chan l’attendait.

— Ah Kim ! Je vous amène un compatriote : Louie Wong revient au désert, dit Bob en sautant de l’automobile.

Tout demeurait silencieux au fond du véhicule.

— Eh bien, Louie ? Nous voici arrivés au ranch ! cria-t-il.

Il demeura terrifié : dans la pénombre, il vit Louie affaissé sur ses genoux, la tête inerte penchée sur la portière gauche.

— Mon Dieu ! s’exclama Eden.

— Attendez ! fit Charlie Chan. Je vais chercher une lampe électrique.

Bob, effrayé, restait immobile. L’ingénieux Charlie revint rapidement et examina l’intérieur de la voiture. Bob Eden vit alors une fente dans le manteau de Louie, une fente aux bords sombres et humides.

— Frappé au côté ! fit Charlie d’un ton calme. Mort… comme Tony.

— Assassiné… quand ? s’écria Bob. Pendant l’instant où j’ai quitté l’auto pour ouvrir la grille ? Mais c’est impossible !

De l’ombre Martin Thorn approcha, son visage pâle rayonnant dans l’obscurité.

— Qu’y a-t-il ? Ah !… c’est Louie. Que lui est-il arrivé ?

Il se pencha sur la portière de la voiture et la lampe que tenait Charlie éclaira un moment le dos du secrétaire. Sa veste sombre avait un long accroc… un accroc qu’on pouvait avoir fait en escaladant une clôture en fil de fer barbelé.

— C’est horrible ! s’écria Thorn. Une minute ! Je vais avertir M. Madden.

Il courut vers la maison et Bob resta avec Charlie auprès du cadavre de Louie Wong.

— Charlie, murmura le jeune homme d’une voix sourde, avez-vous remarqué cette déchirure dans la veste de Thorn ?

— Certes, je l’ai bien vue. Mais que vous disais-je encore ce matin ? « Celui qui chevauche un tigre ne peut descendre de sa monture. » Une fois de plus, le vieux proverbe chinois a raison.