Page:Earl Derr Biggers - Le Perroquet chinois, paru dans Ric et Rac, 1931-1932.djvu/105

Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’était pas possible. Quoi qu’il en soit, il devait dissimuler ses craintes.

— Certes, répondit-il, d’une voix naturelle. Et s’il refuse d’envoyer les perles sans un mot de moi, priez-le de m’appeler vers six heures.

Devant la maison, Paula Wendell manœuvrait adroitement sa voiture. Bob tint la grille ouverte et rejoignit l’auto sur la route sablonneuse.

La voiture prit de la vitesse et Eden put contempler à loisir ce monde étrange que Holley nommait le « jardin du diable ». Au loin, des montagnes dressaient leurs pics coiffés de neige sur un ciel d’un bleu de cobalt. Mais partout ailleurs il ne voyait que le désert, interminable surface grise parsemée de buissons et d’arbres qui tous portaient des épines cruelles. Un bizanae pointait vers le ciel un doigt menaçant, les éternels arbres de Judée ressemblaient à des tronçons calcinés.

— Eh bien, comment trouvez-vous le paysage ? demanda la jeune fille.

— Ce sont les cendres du feu de l’enfer, observa Bob en haussant les épaules.

Elle se mit à rire.

— Personne n’aime le désert au premier abord. Je me souviens de cette nuit où je débarquai du train d’Eldorado avec mon pauvre papa. J’arrivais des environs de Philadelphie où tout était vieux et civilisé et me trouvais subitement transportée dans cette région à l’aspect sauvage. Mon cœur d’enfant se brisa.

— Pauvre petite ! Et maintenant, vous l’aimez, ce désert ?

— Je l’adore ! Je ne tardai pas à découvrir l’étrange beauté de cette contrée baignée de soleil. Vous y viendrez, vous aussi. Au printemps, après les pluies, j’aimerais à vous conduire aux Sources du Palmier. La verveine y couvre le sol d’un tapis vieux rose et sur les arbres les plus laids s’épanouissent des fleurs d’une délicatesse exquise. Et puis, en toutes saisons, il y a les nuits du désert, les nuits calmes et reposantes où l’on respire un air pur sous les pâles étoiles du firmament.

— Oh ! je ne doute point que cet endroit soit idéal pour une cure de repos mais je n’en sens nullement le besoin.

— Qui sait ? Peut-être avant votre départ vous aurai-je introduit dans la secte très ancienne des Amis du Désert. Les qualités requises sont : une âme tendre et un goût très vif pour la beauté… Oh !… n’y entre pas qui veut.