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MERLIN L’ENCHANTEUR.

trées, jadis la patrie choisie de la pure lumière, puisque vous ne savez plus même que vous êtes belles ! Il convient que je vous l’apprenne de nouveau par un exemple mémorable. »

C’est ainsi que tout plein de ses derniers souvenirs, il se parlait à lui-même, en traversant la Magoula, dans un champ de Mistra, où il s’obstinait à chercher les traces de la maison d’Hélène. Au milieu d’un sillon pierreux marchait lentement une jeune fille attelée par une corde à une charrue, à côté d’un âne et d’une vache efflanquée ; le laboureur avait le fouet levé sur les épaules d’ivoire de la jeune Grecque.

« Avance donc ! » criait-il.

Merlin la voit. Commander au laboureur d’arrêter, se précipiter sur l’attelage, délier du joug la jeune fille, fut pour lui l’ouvrage d’un instant. Il la conduit au bout du sillon, et l’ayant fait asseoir sur des touffes de renoncules, d’orchis, d’immortelles et d’euphorbes, il lui dit :

« Comment se fait-il que vous traîniez ici la charrue dans ce champ même d’Hélène, en compagnie de cet âne et de ce bœuf, vous qui êtes la petite-fille de Miltiade, de Léonidas, d’Épaminondas, ou au moins de Philopœmène ? »

Ces paroles ne firent aucune impression sur la jeune fille. Les noms glorieux prononcés par Merlin ne semblaient pas même entrer dans son oreille.

« Au moins vous savez votre nom ?

— Marina, répondit une voix tremblante.