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LIVRE XIV.

des éperviers aux ailes d’or, tels que les hommes de nos jours ont peine à les élever. »

Pour conclure, l’historien voua à l’exécration de la postérité quelques esprits qu’il nomma par leurs noms, lesquels avaient essayé d’arrêter le sage progrès des ruines. Il montra, par une haute philosophie, combien est courte la sagesse des hommes, combien le fait accompli est toujours admirable, quelle calamité c’eût été pour le monde si, au lieu des ronces, on eût vu des peuples fleurir dans l’enceinte réparée des villes. Le cours des choses eût été interrompu, la fatalité contrariée, la nature violée, la majesté des ruines outragée…

« Où seriez-vous à cette heure ? » s’écria-t-il dans un mouvement qui enleva tous les cœurs.

Après avoir fait entrevoir le danger, il montra le salut dans le génie tutélaire d’Épistrophius et de ses principaux conseillers.

Ainsi parla l’historien. Il avait habilement promené les esprits de la quiétude à la terreur, de la terreur à la sécurité. Un enthousiasme dont on ne les eût pas crus capables avait saisi les peuples des ruines. Des larmes de plaisir roulaient dans tous les yeux. Quand l’historien eut fini, l’assemblée transportée le couronna de feuilles de persil. Plus d’un esprit silencieux se tenait à l’écart, perdu dans une contemplation profonde ; et ce n’était pas seulement une basse envie qui les agitait, mais bien plutôt le désir d’atteindre à une gloire semblable.