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MERLIN L’ENCHANTEUR.

Il est temps de renoncer à des pensées trop altières. Je le sens, je l’avoue, lecteur. Vois mon repentir ; s’il est tardif, il est du moins sincère. De ce moment, je dépouille le vieil homme ; je change comme toi de couleur, de sentiments, d’idées, de drapeaux, et défère en tout à la moindre de tes volontés. L’expérience t’a changé, dis-tu ? — Moi aussi. — Tu es converti d’hier ? — Moi aussi. — Te voilà sage, enfin ? — Moi aussi. — Veux-tu changer encore ? Soit. Je me conforme d’avance à chacune de tes métamorphoses, dussent-elles surpasser celles de Protée. Feu, eau, terre, je te suis aisément sous ces masques divers. Il n’y a qu’une chose que je te prie de m’épargner. Il me serait absolument impossible de me métamorphoser en reptile.

Pour tout le reste, je te donne aujourd’hui d’une manière formelle le gouvernement de ma pensée. Tiens ! prends les rênes. Voici le frein argenté que je t’invite à serrer de plus près, et si, comme je n’en doute pas, tu veux te servir du fouet, voici les lanières encore neuves. Sois le phaéton de ce char qui n’est encore qu’à moitié de sa course. Ramène dans le chemin banal ce quadrige trop ambitieux. Choisis la route, le sujet, les personnes. Dis ! parle ! commande ! où te plaît-il d’aller ! Dans la voie Lactée ? Ou, comme je le suppose, dans les régions plus basses ? C’est à toi d’ordonner, à moi d’obéir.

Pour te prouver que ce ne sont pas des mots hypocrites destinés à te leurrer encore, je m’enchaîne désormais à l’imitation des bons modèles : Virgile, le cinquième